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La princesse norvégienne au violon

Au fil de ses concerts, partout dans le monde, elle envoûte son public au son d'un violon vieux de 265 ans. Eldbjørg Hemsing, originaire de Valdres, restitue dans sa musique les sons d'une nature norvégienne belle et sauvage.

Eldbjørg Hemsing fait découvrir l’univers sonore norvégien dans le monde entier

« Eldbjørg est connue en Chine. Là-bas, on la surnomme “Princesse norvégienne”. »

Le compliment émane de Tan Dun, l’un des plus grands compositeurs du monde. Ce dernier collabore avec la jeune femme depuis plusieurs années, et lui a même dédié une de ses œuvres.

Eldbjørg a commencé le violon alors qu’elle filait une enfance paisible dans le bucolique district de Valdres, en Norvège de l'Est. La fillette n’avait alors que quatre ans. Aujourd'hui, dès que son archet effleure les cordes de son GB Guadagnini de 1754, le silence se fait.

Deux cent trente-six années séparent Eldbjørg de son violon, et pourtant, vous aurez du mal à trouver duo plus soudé.

La jeune femme se produit dans le monde entier : Shanghai, Hong Kong, Valence, Francfort, Coblence, Leipzig, Berlin, Cologne, Abu Dhabi, Oslo – et bien sûr, sa ville natale, Aurdal. En mars 2018, la violoniste a sorti un album consacré au compositeur norvégien Hjalmar Borgstrøm.

« Dès que j’écoute du Hjalmar Borgstrøm, j’ai l'impression de me retrouver au milieu des fjords et des montagnes, de communier avec la nature. »

Eldbjørg Hemsing

Dans quel environnement sonore avez-vous baigné durant votre enfance dans le Valdres ?
« Je me souviens du silence qui semblait amplifier les sons autour de moi : l'eau d'un torrent, une brise d'été dans la vallée ou une bourrasque agitant les branches d'un arbre. Ma maman enseignait la musique et mon père était garde-moniteur de montagne. J'ai grandi dans un cadre harmonieux, mêlant musique et nature. J'ai souvent accompagné mon père en montagne, pour évaluer les risques d’avalanche ou mesurer les peuplements en poisson et la profondeur de plans et de cours d’eau. Ainsi, j'ai acquis toutes sortes de connaissances, comme de savoir préparer un repas sur un feu de camp. »

La région de Valdres est célèbre pour sa scène musicale, qui mêle traditions et influences modernes. Pour la maman d’Eldbjørg, les répétitions devaient avant tout être synonymes de plaisir. Elle parvenait même à faire répéter ses enfants un quart d’heure, avant les émissions du soir pour les enfants.

Vous jouez depuis bientôt dix ans sur un instrument rare qui vous a été prêté par une fondation.
« J'ai un lien très intime avec ce violon. J'ai l’impression que c’est ma propre voix qui en sort. Il a un timbre vraiment authentique, teinté de toute une gamme de nuances. On dit que les premiers violons de Hardanger remontent au début du dix-septième siècle. Lorsque j’imagine tout ce qu’a traversé mon instrument, je suis ébahie. »

Durant son enfance, tous les vendredis, Eldbjørg s'absentait de l’école de Valdres pour suivre les cours du Barratt Due Institute of Music, situé à Oslo, à trois heures de route. À 8 ans, son premier voyage à l'étranger l’entraîna en République tchèque. Plus tard, elle suivit des cours aux États-Unis, et depuis, son agenda ne désemplit pas, avec des concerts dans le monde entier.

En mars 2018, Eldbjørg sort son premier album, sur lequel figure un concerto en sol Majeur méconnu, composé par le Norvégien Hjalmar Borgstrøm (1864–1925), dont l’œuvre a été marquée par le romantisme allemand. Elle souhaitait faire partager au public l’enthousiasme qu’elle avait éprouvé à la découverte de ce morceau.

Eldbjørg Hemsing

Vous établissez un lien entre l’œuvre de Borgstrøm et l’expérience de la nature en Norvège...
« Oui, je trouve que sa musique est traversée par une force très physique – à la fois complexe et virtuose. Dès que j’écoute du Hjalmar Borgstrøm, j’ai l'impression de me retrouver au milieu des fjords et des montagnes, de communier avec la nature. Ses tonalités réussissent à faire surgir en moi des parfums ou des souvenirs liés à la nature. »

Des chefs prestigieux, comme par exemple celui du Maaemo à Oslo, affirment eux aussi puiser dans leurs souvenirs de la nature norvégienne​ ?
« Oui, et c’est la force de cette musique : elle provoque des sentiments personnels très singuliers. »

Qu’est-ce qui vous apporte le plus de plaisir dans la pratique de votre art ?
« Le fait de jouer d’un violon qui a plusieurs centaines d'années, de faire revivre des compositions anciennes et de les faire découvrir à des publics néophytes ou avertis. Je cherche moins à proposer une nouvelle interprétation de morceaux historiques qu'à souligner leur puissance originelle. »

La musique classique serait-elle le rock’n’roll d'une autre époque ?
« On pourrait dire cela. Elle reste toujours aussi fascinante et pertinente aujourd'hui. Mon travail présente certaines similitudes avec les sports d'élite. Quand je joue sur scène, c’est le moment ou jamais de donner le meilleur de moi-même. Je mets toute mon énergie et toute ma concentration dans ma prestation, et je ne lâche rien, jusqu'au bout. »

En 2013, Eldbjørg et sa sœur Ragnhild ont initié un festival annuel de musique de chambre dans leur ville natale d’Aurdal, dans la région de Valdres. Les deux sœurs y invitent des musiciens renommés, dont beaucoup sont devenus des amis. Même si, d'année en année, le festival n’a cessé de gagner en notoriété (en 2018, environ 30 artistes de niveau international se sont produits devant 12 000 spectateurs, et le festival a même été retransmis sur une chaîne nationale), Eldbjørg et Ragnhild souhaitent conserver l'ambiance intime créée par l'écrin fabuleux que constitue la Norvège de l'Est.

« Nos amis musiciens du monde entier apprécient la clarté de la lumière et la pureté de l’air dont jouit Valdres. Ils disent que leurs sens y sont comme aiguisés. Et puis, ils découvrent des plats originaux, à base d’élan et de poisson sauvage ! Nous les emmenons aussi skier et découvrir d'autres activités », témoigne Eldbjørg.

Eldbjørg Hemsing

Quelle est la valeur de votre violon, qui date de 1754 ?
« Franchement, je l’ignore, et je préfère ne pas le savoir. Si je le savais, cela me rendrait certainement trop nerveuse. »

Comment prend-on soin d’un instrument aussi ancien ?
« Avec une extrême attention, car le bois continue à vivre, même après tant d'années. Mon étui est doté d’un humidificateur et d'un hygromètre, et je vois mon ʺdocteur violonʺ deux fois par an. »

Lorsque vous prenez l’avion, est-ce que vous gardez votre violon en cabine ou bien est-ce qu'il voyage dans la soute ?
« Je le garde toujours avec moi. Sans la moindre exception. Jamais je ne laisserais un objet aussi personnel hors de mon champ de vision. »

Est-ce que Valdres vous manque ?
« Je sais que je peux y retourner à tout moment et m'y ressourcer. Je pense que même lorsque l’on vient d'un petit coin du monde reculé comme celui-ci, cela n’empêche pas de s’aventurer à l’autre bout du globe et de travailler là où le vent vous pousse. »
 

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